Evènements récents sur la poule de Mezeray


Si vous souhaitez soutenir notre action

de sauvegarde de cette race ancienne,

vous pouvez rejoindre notre équipe.

Les principaux objectifs de ce projet :


  • Valoriser l’image de cette race exceptionnelle, mais rare


  • Regrouper tous les passionnés qui s’intéressent à cette race


  • Inciter les petits éleveurs à l’adopter


  • Rechercher des éleveurs de volailles d’exception et authentiques en filière courte.


  • Réaliser à livre retraçant l’histoire de cette poule, son élevage , sa dégustation, …..


Le 21 Mars 2019, un repas a réuni environ 80 personnes à l'Ecole Hôtelière Lycée Hélène Boucher du Mans pour déguster la poule de Mezeray.

A cette occasion 2 textes ont été écrits pour honorer cette poule, que vous trouverez ci-après:

  • Une poésie de Marguerite Rossignol

  • Un texte en patois sarthois de Sylvère Fournigault et Jean Revers

Poésie de Marguerite Rossignol

Nous sommes en 1895, à la Flèche, la fête de la Saint Jean bat son plein.

En ce beau dimanche printanier, Sylvère, mézeréen depuis des générations, attèle sa jument pour se rendre aux festivités.

Sur la place de la Halle au blé, le directeur de l’harmonie fléchoise, entonne le refrain :

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« S’il est un met délicieux

Qui nous sourit et nous allèche

Digne de la table des Dieux,

C’est la poularde de la Flèche….. »


Notre paysan attend l’entracte pour interloquer le chef de chœur :

- De la Flèche dites-vous ?

- Oui monsieur, c’est ce que dit la chanson.

- Eh ben laissez-moi vous dire que votre refrain comporte un bémol !

- Comment ça ?

- Moi éleveur de poulardes de père en fils à Mézeray, je saurais vous prouver le contraire.

- Mais je vous en suis gré, allons discuter autour d’une petite chopine…..

Il avait raison Sylvère. C’est à Mézeray que la poularde était élevée depuis le XVème siècle.

Elevée à Mézeray et vendue sur le marché de la Flèche : C’est ainsi que la confusion a commencé.

« Digne de la table des Dieux » disait aussi la chanson alors qu’on l’avait baptisée « la poule du Diable » !

C’est sa crête d’un rouge saillant, en forme de double cornes, qui lui avait valu ce surnom.

Décidément cette poularde ne laissait personne indifférent. Surtout les grands restaurateurs parisiens de l’époque qui reconnaissaient la délicatesse de sa chair.

Vers 1860 on l’a même introduite en Allemagne puis dans le monde entier.

C’est vous dire sa réputation !

Mais contrairement à certaines campagnes françaises, la Sarthe n’a pas à cette époque, essayé d’effectuer des croisements afin d’améliorer la race.

Classée parmi les espèces de premier ordre, sa chair délicate et sa facilité d’engraissement, convenaient aux éleveurs comme Sylvère qui n’ont pas modifié sa souche.

Aujourd’hui encore, avec son plumage noir à reflets moirés, son bec en forme de bouton, sa huppe sur la tête, ses narines évasées en fer à cheval et ses grands oreillons ovales d’un blanc pur, nous lui reconnaissons son allure aristocratique et, je vous l’accorde, son caractère capricieux.

Mais sachez Mesdames et Messieurs que lorsqu’on a pu régaler les festins des princes et servi la table du roi Henri IV, on peut se permettre quelques arrogances.

Bonne pondeuse mais mauvaise couveuse, on doit attendre 10 mois pour faire ripaille de cette volaille de 3 à 4 kilos.

C’est ainsi qu’on l’a délaissé au profit d’autres espèces moins goûteuses mais plus productives.

Aujourd'hui, nous voici sauvés:

Grâce à la pertinence de quelques passionnés.

A la table d'Hélène Boucher,

Je vous laisse vous régaler.

Et tel Madame de Sévigné écrivant à sa fille lors de son passage à Malicorne, demain vous pourrez noter dans votre courrier:

"Nos repas ne sont point repas à la légère. Jamais je n'ai vu une meilleure chère, ni une plus agréable maison!"


Marguerite Rossignol


Texte en patois sarthois de S Fournigault et J Revers

Préambule :

L’histoire vraie de la poule de Mézeray, en souvenir et narrée dans le langage de ceux qui l’ont

élevée durant des siècles. Aussi en l’honneur de Sylvère Fournigault qui l’a tirée de l’oubli, en

sauvegardant cette race si particulière et en réhabilitant son histoire mémorable ...


On m’appelle la « Mézeréenne »...

… et de soir, j’vas vous révoquer [rappeler] mon histouère.

Mais dame, on m’a pas toujours appelée comme ça, parce que je sais ben voeille, vous savez.

Rendez-vous compte au 14 ième siècle j’étais déjà de ce monde !

En 1475, y avait point cor d’état civil, mais y causaient déjà de moi en disant que les redevances

de fermage dans nout’ Haut-Maine se poyaient déjà en chapons et poulardes du Mans et de la

Flèche, et déjà depuis ben longtemps.

Y disaient que : « les volaîlles de La Flèche avaient une chair excellente et au fort gabarit dont il

est fait grand commerce à destination des parisiens ». Et y disaient aussi « que j’ponnais [pondais]

pour la pouène » [beaucoup] mais que j’n’étais qu’une ben piètre couveuse, et qu’on me reconnaissait

par ma petite huppe noire comme mon plumage. »

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Et en pu d’ça, qu’il est question des poules de Mézeré.

Aussi, je me sais ben reconnu : emponnée [habillée] de belles pieumes noires et r’luisantes et ma crête

qu’était comme une magnière [façon] de deux petites cornes sur la tête.

Eh ben, ça ne peut être que moi, et personne d’aut’ j’vous le garantis !

D’autant, qu’en mironnant [observer] ma tête, c’est le diâble tout pâcré [ressemblant exactement] ! Si

ben que déjà dans c’temps là, y m’ont appelé itou [aussi] « la poule du diable » !

Pu tard au 17ième siècle, les gens de la haute noblesse, qu’étaient tous des goules fines comme

Louis 14, Mr Colbert, ou Mme de Sévigné, y disaient déjà « qu’ils aimaient tout particulièrement

les poules du Mans et la Gélinotte de Mezeray ».

J’sais ben originaire de Mézeré, et en c’temps là ceusses qui m’élevant, vont me vende à La Flèche

ou ben au Mans à des grous marchands qui m’envoyant à Paris. Une fois livrée dans les

grand’villes quand y d’mandant : « d’éyou qu’à vient c’te sapresti [sacrée] de poule à cornes ? » Hé

ben, y disant : de La Flèche, vu qu’y ne connaissant point Mézeré. Si ben que pour n’en d’fini [en

finir] on me connaît sous le nom de « poule de la Flèche » et même tioque fois de celle « du Mans ».

C’est pas que ça me fait chauvir [jubiler] qu’on m’appelle comme ça, mais dame, c’est ben à r’grets,

et je n’yi peut ren en tout. Faut ben que j’dure ! [j’endure]

Dans nout’ pays du Maine les poésans dans l’ancien temps,ne récoltaient guére dans leur pouvre

terre sablonneuse. Mais comme on m’empansait [empiffrer] avec du seigle et du sarazin, ça tombait

ben, parce que ces affiements [récoltes] là, y n’en chômaient [manquer] point. Parié [pardi] , y ne

m’abouèchetaient [donner la becquée] point à r’grets [à volonté] et je n’avais tout mon sou

[contentement] , si ben que j’en étais ravouillé [repu] et même gavé. Du coup, ma viande n’en était

que pu blanche et meilleure au continu [à l’avenant] . Tout ça faisait, qu’y n’avaient aucun mau

[difficulté] pour me vendre, et comme ça je permettais à ces petits poésans de vivre à peu près comme

y faut [correctement] dans leur terre maigre.

Quante j’étais point vendue sur les fouères [foires] ou les marchés, j’avais assez de valenteur

[valeur] pour les fermiers et métayers pour poyer leu’ fermage : ils me donnaient en nature à leu’

propriétaire et tout le monde était ben aise [content] : le poésan n’avait point d’argent à débourser,

et c’t-y là qui me recevait, n’avait que le mal de se rigaler à son lési! [à son souhait]

Plus tard, vers le 19 ième siècle, on n’a quand-même fini par me donner mon vrai nom.

C’est donc là qu’y m’ont appelé … la Mézeréenne.

Et ça voyez-vous ben, que ça me fait grand piaisi ! Comme si ils avaient pas pu me donner ce nom

là à mes débuts, je me demande ben pourquai ?

Ben sûr comme partout dans nos petites bourgades, tout le monde a un de surnom, pas moyen d’y

échapper. Moi aussi j’en ai ieu un : on m’appelait « la cornette », toujou’ à cause de ma crête qu’à

comme deux cornes. En tous cas j’aime mieux ce nom là que la cornard ou ben la cocu : pensez-

donc !

Faut dire qu’en pu des cornes, j’sais cor ben rifouège [revêche] , et je ne me laisse point faire. Déjà,

quand je pond des œufs, je ne m’accouve [se mettre à couver] que quante j’ai envie. Tioque fois même,

je ne fais que de couvasser [couver irrégulièrement] si ben que mes œufs deviennent coués [pourris] et ya point de petits poulets ben sûr.

A dame, j’ai la horne [tête] ben dure, je ne sais point aisé à amiauler. [apprivoiser] Si on vient pour

m’attraper, mon grand piaisi c’est de pecquer [donner des coups de bec] la moin de c’t-y là qui veut me

cri [prendre] . Et pis, à l’occasion si j’peux l’égratigner eune miette [un peu] avec mes ergots, je m’en

prive point non pu. Pour ceusses qui voulant m’enfermer dans un poulailler, je m’arroche [foncer

sur] partout jusqu’à sauter par dessus le grillage.

C’est pas facile de m’encrouiller [enfermer] , si tout n’est point bourdé [barricadé] comme y faut, je

m’ente-sauve [se sauver] par la première musse [brèche] que je trouve, et je ne reviens point. Si ya

d’aut’ poules d’une autre espèce avec moi, je ne peux les souffri [tolérer] et je sais cor ben maussade

avec.

Comme je fais le diable chez ceusses qui veulent m’élever, et ben y n’voulant pu de moi.

C’est pour ça qu’après la guerre ils ont t-y pas préféré des poules pu faciles à adoumècher

[amadouer] et qui venaient [grossir] pu vite en viande à leu’ mode [à leur manière] .

Et pis ya ieu les saprés [sacrés] poulaillers industriels avec leu’ emmenchée [manière douteuse]

d’élever les poulets par milliers et à la galopée [vite et mal fait] . Eh ben là y m’ont complètement

délaissé et j’ai ben fâilli querci [crever] à ce moment là. Ça qu’aurait été bisquant [dommage] quand-

même.

Heureusement que j’ai trouvé une bonne maison, qu’a ben voulu de moi pour m’abouter

[accompagner en fin de vie] . C’est chez ce gars Sylvère, un gars point r’gardant [radin] en tout, eyou

que j’ai été ben abobotée. [bien gâtée]

M’abouter que j’ai dit ….

Mais point en tout, je ne veux point péri [mourir, disparaître] . C’gars Sylvère, il m’élève et m’égâille

[disperser] un peu partout dans les alentours, chez tous ceux qui me voulant. De mine de mine, [petit à

petit] on commence à être ben du nombre dans la région et il est pu question de s’anicler [se laisser

aller] et de se laisser mouri à c’t’heure. Me v’là repartie pour une deuxième vie !

Eh ben, crayez-moi si vous le voulez, mais après avoir été si derbas, [au plus bas] à c’t’heure, toute

Mézeréenne que je sais, je sens ben que j’vas n’en r’victer ! [revivre, ressuciter]

S Fournigault, J Revers

Avril 2019